La Cité Radieuse a été construite par Le Corbusier il y a un peu plus de 70 ans, dans le but premier de reloger les sinistrés du quartier du Panier (à cause des bombardements) ainsi que des fonctionnaires.
Il y a une foule de choses à dire sur cet endroit et comme j’ai eu la chance d’être invitée à le visiter dans le cadre du travail de mon mari, j’ai donc pris pas mal de notes pour vous en parler !
Matériau et structure
Architecture brutaliste
La Cité radieuse est faite de béton armé, un matériau nouveau dans le BTP avec un aspect très « brut de décoffrage »). Cette construction s’inscrit dans un style architectural brutaliste typique de l’après seconde guerre mondiale. Le béton armé qui a servi ici a en l’occurrence été coulé dans du bois dont on voit encore la texture par endroits. Ce choix de matériau a notamment valu à Le Corbusier d’être accusé de dégrader le paysage.
La Cité Radieuse a une apparence (non conventionnelle) de bâtiment construit sur pilotis afin de faciliter la circulation et le support du bâtiment. La façade nord n’est pas habitée car elle a une fonction de brise-mistral.
Un agencement particulier
Une partie des appartements ont vue sur la mer (avec même une servitude aérienne sur le quartier environnant !), et il faut se dire que dans les années 50, il y avait une vue beaucoup plus dégagée qu’aujourd’hui. Afin de faciliter la circulation de l’air et malgré leurs caractéristiques variées, les appartements sont tous traversants, grâce à une autre innovation intéressante. Le Corbusier avait carte blanche pour expérimenter et il a choisi en fait de créer 337 appartements de 32 types différents, couvrant des surfaces de 32 à 203 m².
Les étages sont nommés des « rues » et il y en a 18, avec seulement 9 arrêts de l’ascenseur, pour la bonne raison que chaque appartement est réalisé sur le système de duplex : à l’échelle du bâtiment, les appartements s’emboitent en fait les uns dans les autres et il n’est donc pas nécessaire de desservir chaque « rue » !
L’édifice dispose d’une grande entrée avec des colonnes de béton et de jolis jeux de lumières et de couleurs grâce à la présence de vitraux. Des empreintes de coquilles viennent évoquer la Méditerranée. Une boîte postale est directement présente dans le hall et anciennement, on y trouvait même une cabine de téléphone anglaise (rien que ça) !
Appartement-type de la Cité Radieuse
Les couloirs eux-mêmes sont assez sombres, apparemment pour inciter à y chuchoter.
Chaque appartement possède à son entrée une boîte marron qui donne sur le couloir, héritage d’un ancien système de livraison.
L’appartement que j’ai pu visiter était clairement resté dans son jus, et c’est ce qui en fait tout l’intérêt. Il est équipé d’une cuisine américaine, totalement d’origine et d’ailleurs très novatrice à une époque où chaque pièce à chaque fonction (ou presque).
Chaque appartement comporte des sanitaires intérieurs, un luxe incroyable pour l’époque (il faut savoir qu’en 1952, seulement 6% des logements en France à l’époque en possédaient…).
Avec de nombreux placards, l’espace est vraiment optimisé pour permettre un maximum de rangements tout en étant très minimaliste et aéré. Et si vous vous demandez à quoi servait couramment le tiroir sur la photo de droite ci-dessous, sachez que durant notre visite, c’est Romain qui a deviné qu’il faisait en fait office de lit bébé (avec une table à langer toute trouvée juste au-dessus) !
Dans une volonté de confort de vie étendue à travers toute l’unité d’habitation (les mots d’ordre semblent voir été silence, végétation et lumière), les fenêtres ont été équipées de double vitrage, encore assez rare en 1952.
Les parties partagées de la Cité Radieuse
Les étages communs
Au sein même du bâtiment (et plus précisément sur les deux étages du milieu), la Cité Radieuse abrite également des commerces (dont un restaurant dont je reparlerai plus bas dans l’article) ainsi que des bureaux et services culturels (bibliothèque, centre de loisirs, cinéma…). De nos jours, on y trouve également (entre autres) une pâtisserie, un boucher, une galerie d’art, un salon de thé et un espace paramédical !
Le projet initial de Le Corbusier comportait par ailleurs une blanchisserie, un dispensaire et une salle d’accouchement, mais ces éléments n’ont finalement pas été intégrés.
Le toit
Sur le toit-terrasse du bâtiment, on retrouve d’autres services collectifs tels que gymnase, bassin, halte garderie et même une école maternelle avec sa propre cour (et sa rampe d’accès indépendante, que j’ai photographiée en début d’article).
Au jardin
A l’extérieur du bâtiment (je n’ai pas réalisé de photo), les habitants disposent également d’un potager partagé et d’un terrain de tennis. Le rêve, non ?
En guise de conclusion, je tiens à préciser ici que je ne suis pas fan du tout de la personne de Le Corbusier (entre sexisme notoire et accointances fascistes, je n’aurais pas aimé le fréquenter). Cet article découle tout d’abord de mon intérêt photographique pour le bâtiment novateur qu’était La Cité Radieuse à son émergence, et même encore aujourd’hui. Le choix d’un certain minimalisme ainsi que les textures, jeux de lumières et de couleurs qui y ont été sciemment créés y sont particulièrement intéressants.
Ensuite, même si ça peut paraître quelque peu paradoxal lorsqu’on se renseigne un peu sur cet architecte, son objectif (réitéré à Paris et dans plusieurs autres villes, même en-dehors de France) était clairement de créer un ensemble le plus autonome et convivial possible (« une unité d’habitation »). C’était un défi pas banal pour l’époque, et même encore à l’heure actuelle, et c’est pour cette deuxième raison que j’ai souhaité y consacrer un article. Dans une période où le « vivre-ensemble » semble franchement se perdre, je pense qu’il peut être intéressant de réfléchir à ce qu’il avait cherché à mettre en place, car personnellement, j’aurais trouvé ça assez chouette de voir se développer ce genre de concept mélangeant étudiants, familles et retraités de tous horizons à plus grande échelle (et avec une grande mixité) !
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