Photographier Boston à l’argentique, à l’ancienne, c’est un projet qui me trottait dans la tête depuis un long moment. Il a été rendu possible par la chine d’un appareil photo à un prix dérisoire (un Canon Av-1 doté d’un 50 mm f/1.8, pour $40), en janvier dernier (soit très tard par rapport à l’idée originelle). Pressée par le temps qu’il me restait à vivre à Boston, bien que celui-ci soit assez flou à ce moment-là, j’ai fini par franchir la ligne qui me séparait encore du tout argentique (cela fait des années que j’utilise de vieux objectifs avec mes appareils hybrides, pour le fun).
L’argentique et moi, une histoire qui commence par un semi-échec
Le hasard a fait que quelques jours après cet heureux achat, je partais en Colombie : c’est donc là-bas que j’ai vraiment étrenné l’engin, en priant pour qu’il fonctionne normalement.
Pour la petite histoire (déjà racontée sur Instagram), j’ai eu une certaine déception au retour, puisque sur deux pellicules de 36 poses (des Kodak Gold 200), je n’ai récupéré qu’une petite trentaine de photos sur la clé USB rendue par le laboratoire. Après observation de mes négatifs et de la petite planche de tirages, j’ai réalisé que les 2/3 de la première pellicule étaient vides, et que la seconde avait à son tour 1/3 de zones non « impressionnées »…
Déception dans un premier temps, qui s’est mué en l’espace de quelques jours en espoir naissant : 2/3 vides, puis 1/3 « seulement » : est-ce qu’une troisième pellicule serait davantage « remplie » ? Je re-teste l’obturateur, à vide, arrière du boîtier ouvert : il fonctionne, quelle que soit la vitesse d’obturation, le volet s’ouvre et se referme très perceptiblement. Aucune absolue certitude possible cependant sans essayer à nouveau, alors c’était parti, j’allais me faire la main sur une pellicule peu onéreuse (Fujifilm C200) pour repérer certains endroits et finir de tester le bon fonctionnement de cet appareil photo ! Alors seulement, si j’avais raison et que cela fonctionnait, je rachèterais une pellicule plus qualitative (une Ektar 100 ou une Portra 160). Du moins, c’était le projet que j’avais.
Tout ne se passe pas toujours comme prévu
J’ai en effet fini cette pellicule un peu cheap de 24 poses et l’ai déposée au labo, espérant comme pour mes photos de Colombie avoir des nouvelles sous une semaine (au lieu des 2 annoncées).
Deux semaines ont passé, le stay-at-home-advisory est tombé (l’équivalent des mesures de confinement en France, en un peu moins rigide pour les particuliers), sans que j’aie récupéré ma pellicule (ni pu en acheter de nouvelles, au passage). On est à 15 jours de mon départ de Boston, je stresse un peu, je l’avoue. Je contacte l’enseigne sur Facebook, qui m’informe que ma pellicule est bien revenue du labo : à un jour près je la récupérais, mais il n’y a à présent plus personne en magasin puisque celui-ci est fermé sur ordre du gouvernement. Zut et re-zut ! Impossible également de recevoir au moins mes fichiers numériques en ligne, il faut attendre…
Comme je ne savais pas, d’une part, si mon appareil fonctionnerait mieux et que je n’avais pas prévu de le remplacer avant de revenir en France si c’était nécessaire, et que, d’autre part, je ne faisais pas à ce moment-là de stock de pellicules (car, comme je l’ai vécu en Colombie, prendre l’avion avec demande une certaine vigilance -elles ne doivent pas passer aux rayons X- avec laquelle je n’avais pas du tout envie de m’embêter pour mon déménagement, celui-ci me stressant déjà assez vu les circonstances), je n’avais évidemment sous la main aucune pellicule d’avance pour continuer d’immortaliser Boston et combler l’attente (en prenant certes le risque de faire développer par la suite des pellicules à moitié vides…). Plus de magasin d’ouvert pour en racheter (on est d’accord, ce n’est pas un produit de première nécessité), pas envie de commander sur Internet (délai ? risques pour les employés et livreurs ?), plus de possibilité de toute façon de se promener dans Boston pour varier les vues et tenter de réaliser mon projet… Aaaargh. Frustration.
Au fil des jours, le temps pressant pour moi puisque mon avion de retour peut être réservé d’un jour à l’autre par l’organisme qui nous aide à gérer le déménagement, j’insiste un peu auprès du magasin pour récupérer mes fichiers et mon film avant le déménagement (ou bien les recevoir par courrier, soit à Boston avant de partir, soit en France).
10 jours plus tard (tout de même), un gérant retourne au magasin et me recontacte en me disant qu’il sera parti une heure plus tard, mais que si je le souhaite, je peux venir sur le trottoir récupérer mon bien (ou sinon le recevoir par courrier). J’habite à 5 minutes de la boutique et je ne tiens plus, je décide donc de me déplacer et de m’assurer de rentrer en France avec (je veux savoir aussi bien sûr s’il est nécessaire que mon appareil argentique fasse partie du voyage ou s’il est définitivement défectueux et « abandonnable » – comme il n’est pas léger et que sur 23 kg par bagage, chaque gramme compte, l’information a son importance). Une fois sur place, je passe un appel au magasin tout en restant sur le trottoir ; comme convenu, on m’apporte l’enveloppe avec mes négatifs et ma clé USB. On se tient à distance en tendant les bras, j’attrape l’enveloppe et la fourre dans mon tote bag en y jetant à peine un regard pour vérifier qu’il s’agit bien de la mienne, et je rentre chez moi, en mode marche rapide et nez dans mon écharpe.
Le climat étant anxiogène au possible, je me lave les mains et je file sous la douche dès mon retour, en veillant à ne rien toucher. Je nettoie ensuite tout le contenu de mon tote bag (téléphone, clés…), je sors enfin l’enveloppe, l’ouvre et fais glisser sur la table les films et la clé qu’elle contient (forcément safe puisqu’ils y sont depuis de longues semaines !), je jette l’enveloppe à la poubelle et me relave les mains (sale période, sans mauvais jeu de mots). Alors seulement, j’examine la petite planche de tirages. ENFIN !
Fin en demi-teinte
Et là, une vraie bonne nouvelle : il n’y a AUCUN blanc sur mes films, absolument AUCUN ! Hourra ! Je suis heureuse d’y avoir cru et heureuse d’avoir réessayé, parce que je tiens vraiment à ce petit Canon Av-1, que j’aime beaucoup les circonstances de sa trouvaille et que j’aurais été triste de ne plus l’utiliser et de devoir l’abandonner. Sur cette pellicule, quelques unes de mes toutes dernières photos à Boston, des photos prises par mon mari pendant une séance pro à laquelle il m’accompagnait (pour tester la vidéo), et des photos qu’il a prises également depuis la rive du MIT (j’en ai glissé deux ci-dessous – cf le montage des 3 photos ci-dessous). La confirmation que mon appareil avait juste besoin d’un peu de temps pour se « dérouiller » est là, c’est tout ce que je souhaitais.
Vous l’aurez deviné à travers cette longue histoire, par manque de temps et confinement oblige, mon projet de photographier Boston sous un angle particulier et sur une pellicule plus qualitative que cette Fujifilm premier prix (assez granuleuse) est complètement tombé à l’eau… Pas de remise à plus tard possible, je suis rentrée pour de bon en France la semaine dernière. C’est donc un projet avorté, de ces regrets photographiques que tout photographe connaît un jour ou l’autre, mais ce n’est pas si grave. Des projets et des idées, j’en aurai d’autres, et qui sait, peut-être un jour reviendrai-je à Boston quelques jours, avec mon Canon Av-1 ou un autre élément d’une collection personnelle sûrement agrandie, et il sera toujours temps de presser le déclencheur…
En attendant et même si elles sont à 1000 lieues de mon projet initial, j’ai décidé de publier cet article et de vous montrer ces quelques photos argentiques de Boston, parce qu’après une telle attente pour les obtenir et dans un tel contexte, ce sont des souvenirs qui comptent et compteront beaucoup pour moi.
Ces photos argentiques ont été retouchées seulement très légèrement (tons clairs, tons foncés et perspective) ; je n’y ai appliqué aucun filtre/preset, contrairement à mon habitude pour la photo numérique.
4 Commentaires
chloé
21 avril 2020 at 20 h 36 minJ’aime beaucoup ces photos!! Elles sont très jolies et donnent envie de s’y rendre… et le calme des rues, franchement c’était à immortaliser!
parenthesecitron
21 avril 2020 at 22 h 33 minMerci beaucoup ! Le calme des rues c’était un peu avant le confinement, en y passant à des heures calmes 😉
Camille
9 mai 2020 at 21 h 38 minHello,
Les photos à l’argentique ont vraiment quelque chose de magique! J’en ai un aussi mais je n’ose pas trop l’emmener en voyage de peur d l’abîmer. En tout cas, je viens juste de découvrir ton blog et voir qu’il y a des articles sur Boston! Je dois y aller pendant plusieurs semaines, je pense que je vais trouver toutes les réponses à mes questions ici ahah!
Belle journée,
Camille 🙂
parenthesecitron
12 mai 2020 at 10 h 31 minHello, oui ça devient une vraie drogue la photo argentique chez moi (heureusement assez saine), ah ah. Si tu as des questions sur Boston, n’hésite surtout pas ! 😉