Fin avril et toute la première moitié du mois de mai, j’ai eu ce qu’on appelle une chute de créativité, couplée à une bonne baisse de motivation et d’intérêt pour ce que je fais. Comment, moi, pourtant très passionnée, je n’avais plus envie de prendre mon appareil pour faire des photos persos, je n’avais plus envie d’écrire par ici (ce qui explique ce silence d’un mois) ? Il faut croire que oui, et c’était déjà la deuxième phase depuis le début de l’année (la première avait été plus soft).
Quand une telle baisse de régime survient, comment faire pour renouer avec sa créativité ? Quand on a l’impression de ne rien faire de bien, de ne plus avoir d’idées, comment retrouve-t-on l’envie et l’inspiration ?
Réfléchir sur notre rapport aux autres
Au lieu de se refermer sur soi-même comme une coquille, comme il est tentant de le faire quand on traverse une phase un peu négative, je crois qu’il est nécessaire de s’interroger sur notre rapport à l’autre. Diminuer un peu l’intensité de certains réseaux sociaux et relations peut avoir du bon si on sent qu’elles ne nous apportent vraiment rien de bon sur le moment (et même l’inverse), mais tout couper complètement (réseaux sociaux + vie IRL) sera définitivement néfaste pour le moral. L’important, dans un premier temps, est de réfléchir à ce qu’il se passe, de comprendre en quoi notre rapport aux autres joue sur notre absence de créativité et notre vide intersidéral passager (question idées de génie). Il est primordial de réfléchir à ce qu’on ressent : de la tristesse, de l’impuissance, voire de la jalousie ?
Pourquoi voit-on toujours les autres débordant de créativité et toujours en train de mener un nouveau projet à bien, quand soi-même, on a l’impression de toujours tout recommencer de zéro, de ne pas avancer, d’aller nulle part, de ne pas y arriver, de ne pas être à la hauteur, de finir par ne plus avoir d’idées ? Tout simplement parce qu’on ne discute pas vraiment de ce souci que tout artiste/créateur (à de très rares exceptions près) rencontre un jour ou l’autre, et on a l’impression du coup que tout le monde va bien et fonctionne à 100% de ses capacités en permanence. On a le sentiment que l’on est seul(e) avec notre créativité envolée et nos élans sabordés. Pourtant, il suffit d’évoquer à demi-mot le sujet pour réaliser qu’on est nombreux à vivre cette phase à un moment ou à un autre, et il arrive même qu’on les vive en même temps que nos proches créatifs sans s’en apercevoir. On réalise alors qu’on se laisse leurrer par la nécessité idiote que l’on s’impose tous et toutes, qui est de ne montrer que le positif. De fait, tout ce positif qu’on voit chez les autres et qui peut être énervant, on le renvoie forcément aussi malgré soi quand la créativité est au beau fixe (et même quand on se sent vide, car on a tendance à moins s’épancher sur le sujet, pas franchement vendeur). On ne s’en rend simplement pas compte, et c’est là le nœud du problème.
Les réseaux sociaux comme Instagram et Pinterest (pour en citer qu’eux) peuvent justement être extrêmement pénibles et entraîner, dans ces moments compliqués, un énorme complexe d’infériorité ainsi qu’un doute puissant quant à nos capacités (coucou le célèbre syndrome de l’imposteur). Pour beaucoup, c’est une vitrine, on y montre rarement quand on galère. Du coup, voir les autres gravir des montagnes en se sentant soi-même stagner (voire reculer), a de quoi décourager. Stop ! Que l’inspiration soit moins au rendez-vous, c’est ok, ça se « soigne » (je vous donne les astuces que j’ai développées ci-dessous). En aucun cas, se sentir moins inspiré devrait remettre nos capacités en question (et j’espère avoir le bon sens de revenir lire ça quand je traverserai à nouveau ce genre de phase !).
Retrouver une certaine naïveté
Lorsque j’ai eu ce passage à vide fin avril/début mai question créativité, pour me prouver que mes compétences ne s’étaient pas fait la malle du jour au lendemain, j’ai développé deux exercices simples, consistant à aller marcher (autour de chez moi ou bien vraie rando) pour ensuite (voire même simultanément) créer quelque chose sans complexe aucun. Je trouve important pour cela de me reconnecter à l’essentiel : la nature et moi-même. Je me focalise sur les sensations (couleurs, odeurs, voire douleurs si on réalise une rando un peu sportive !), sur ce qui nous entoure, sur ce qui nous donne du bien-être, nous complète. Je cherche ensuite un écho avec ma pratique artistique.
Dans mon cas, il est vrai que je peux même coupler les deux : marcher + faire de la photo et aborder cet exercice en lâchant prise. Photographier de manière intuitive, sans réfléchir au cadrage, à la composition, à l’exposition ; évidemment, lorsque certaines de ces choses sont devenues un réflexe dans ma pratique de la photo, je ne cherche pas du tout à les éliminer mais pas non plus à faire compliqué, juste à atteindre un équilibre parfait qui me permette de pratiquer sans réfléchir. Cette démarche est facilement applicable à des domaines créatifs comme le dessin, la peinture, l’aquarelle (emportez quelques tubes/crayons et un carnet, et posez-vous quelque part pendant votre balade pour dessiner de manière non-réfléchie ni calculée ce que vous avez sous les yeux). Si vous créez quelque chose qui n’est pas « nomade », emportez avec vous un carnet et un crayon, et notez votre ressenti voire les idées qui vous viennent au gré de votre balade. Revenez ensuite dans votre environnement créatif habituel pour essayez de créer sans réfléchir, intuitivement, sans vous mettre d’objectif, juste en vous remémorant votre balade et en vous focalisant sur vos sensations.
Le fait de retrouver une certaine naïveté dans la pratique fait beaucoup de bien. Elle permet de prendre du recul sur les difficultés en déconnectant le cerveau (et donc la pression que l’on se met inconsciemment). Aussi, dans les moments où l’on se remet en question en se considérant nul(le), elle offre à notre regard la contemplation de nos progrès automatisés, c’est-à-dire de tout ce que l’on a déjà intégré de notre pratique et que l’on est capable de réaliser sans effort (spoiler : c’est souvent très gratifiant parce que l’on en a rarement pleinement conscience) !
A partir de là, on peut essayer d’aller plus loin et choisir, pour le second exercice, d’apporter un « twist » simple à notre « pratique naïve ». Ce twist peut être quelque chose d’inattendu ou d’incongru (mêler deux sujets que tout oppose), ou tout simplement être le croisement de deux techniques. Le plus important, c’est de ne pas l’avoir tenté par le passé, pour se pencher sur quelque chose de vraiment nouveau, mais avec un véritable lâcher prise sur la forme.
Entreprendre quelque chose de nouveau
Pour se régénérer complètement mentalement et refaire le plein d’envie de créer (car souvent, en tout cas chez moi, la sensation de « créativité nulle » est doublée d’un manque de volonté, d’un manque de confiance sur l’axe à prendre, d’un sentiment de type « à quoi bon ? » etc.), il peut être intéressant de démarrer une nouvelle activité. Lancez-vous par exemple dans le moulage en argile, la couture, le crochet, l’aquarelle, ce que vous voulez du moment que vous n’y avez jamais touché (ou très peu). Si vous ne pouvez rien commencer de nouveau immédiatement par manque de matériel, à défaut, abordez votre pratique artistique sous un angle totalement nouveau (autre méthode, autre sujet, matières premières détournées etc.).
L’objectif ici est de s’aérer l’esprit et de prendre conscience des difficultés rencontrées en tant que débutant (dans n’importe quel domaine). Pourquoi ? Tout simplement parce que l’on en rencontre beaucoup moins dans notre pratique artistique habituelle, au fil de l’expérience acquise, donc cela permet en plus de relativiser et de comprendre que notre créativité en berne est due bien davantage à un vrai manque d’inspiration qu’à un déficit de compétences (et à un certain stade de la remise en question créative, il n’est pas si banal d’être loin d’en avoir conscience !).
Changer ses habitudes
Lorsque c’est possible, la solution est de sortir de son atmosphère créative habituelle, en gros, si c’est possible, de changer de lieu, de têtes (si on croise des collègues) etc.
Ce n’est pas forcément réalisable à fond pour tous les créatifs (notamment si l’on utilise du matériel compliqué à déplacer), mais tous et toutes, nous pouvons au moins le faire pour l »‘amont », c’est-à-dire pour noter de nouvelles idées, réaliser des croquis de ces idées (ou simplement noter tout ce qui nous passe par la tête), enregistrer des sons, bref, faire tout ce qui peut nous être utile dans notre pratique artistique.
Osez squatter un café, un parc, une bibliothèque, au moins une heure et mieux, toute une après-midi. Chez vous, déplacez votre coin bureau le temps d’une matinée ou d’une journée : osez vous installer ailleurs (un canapé, une véranda, un balcon, un jardin…). Mettez le nez dans de nouveaux livres, écoutez les gens autour de vous, focalisez-vous sur de nouvelles sensations (et profitez-en, au passage, pour vous faire « recharger » par un peu de soleil, ça fait toujours du bien).
Alors que j’étais à un degré 0 de créativité, à mon échelle, j’ai simplement investi un matin un coussin de sol (que j’avais installé quelques jours plus tôt près d’une de mes baies vitrées), ouvert grand les fenêtres et me suis retrouvée près de mes plantes, au soleil. C’était le 19 mai dernier, on entendait beaucoup de choses, de nouveaux sons, les bars rouvraient et la vie reprenait. Je n’écrivais plus rien par ici, plus rien sur Instagram, aucun brouillon n’avait avancé, je séchais, je manquais d’envie, de motivation, d’intérêt. J’ai écouté attentivement ces sons qui me parvenaient, j’ai imaginé ce qu’il se passait. Tout d’un coup, j’ai commencé à écrire, et les mots sont venus très vite, c’était fluide. J’ai remanié un peu pour en renforcer le sens. Le lendemain, je suis sortie marcher, j’ai photographié des choses simples, j’ai noté deux ou trois choses dans un carnet, j’ai réalisé la photo qui me permettrait d’illustrer mon texte de la veille sur Instagram (alors que je procède toujours exactement dans le sens contraire habituellement en rédigeant, avec plus ou moins d’inspiration, la légende d’une photo réalisée en amont).
Il a suffi de faire les choses dans le désordre et sans pression aucune pour que tout se débloque. Dans les jours qui ont suivi, j’ai eu envie à nouveau de créer (l’accueil réservé à cette publication a achevé de me booster). Je m’attendais à être fatiguée après la première étape de vaccination survenue l’avant-veille, mais cette énergie retrouvée parallèlement semble m’avoir galvanisée. Les idées fusaient, et les contextes pour les développer, aussi ! J’ai réussi à projeter à nouveau les contours d’un projet que j’avais eu mais qui ne tenait pas la route (cette fois, ça me parle beaucoup plus), j’ai planifié deux week-ends de vadrouilles, j’ai randonné et refait beaucoup de photo (argentique comme numérique), j’ai remis les bouchées doubles dans mon travail (notamment en matière de communication) alors que je n’avais plus aucune idée en début de mois, j’ai réorganisé et complété mes brouillons d’articles, ici et là-bas… J’ai arrêté aussi de me prendre la tête sur le résultat attendu, pour me concentrer sur le plaisir du processus, et ça fonctionne aussi beaucoup mieux ainsi. En fait, la créativité s’en va quand les automatismes prennent le dessus, quand la destination remplace le voyage. Mais alors, comment on remédie à ça ?
Aller chercher l’inspiration ailleurs
Avec les confinements successifs, on a été nombreux je crois à ne trouver de l’inspiration qu’en ligne, et à scroller, scroller et encore scroller Instagram et Pinterest pour y puiser de nouvelles idées. Et de fait, à tourner en rond. L’algorithme d’Instagram est si bien ficelé (et si nul, mais ça c’est un autre sujet) que découvrir quelque chose qui s’éloigne de ce qu’on a aimé, partagé, commenté par le passé s’avère extrêmement compliqué (c’est la même chose pour Spotify/Deezer et les musiques suggérées en fonction de nos goûts, par exemple). On finit par ne voir que ce qu’on a envie de voir, pas forcément ce qu’on a BESOIN de voir, aka ce qui pourrait nous NOURRIR vraiment « créativement » parlant.
Lisez, allez voir une expo, un concert, du théâtre, un spectacle de rue, une zone de street art, un film… Tous les univers culturels peuvent être sources d’inspiration, avec l’avantage de la surprise et de la diversité, ce qu’un algorithme ne permet pas. Pour ma part, j’avais commencé à (re)voir la filmographie de Wes Anderson, et cela m’a évidemment donné envie de tester pas mal de choses (pour qui connaît son travail, vous comprendrez, pour les autres, je vous conseille chaudement d’y jeter un œil voire deux, ce mec est génial), notamment en ce qui concerne la couleur, les cadrages, les ambiances, les perspectives… Maintenant que tout a rouvert, j’ai hâte en particulier d’aller voir des expos et des films, et hâte aussi de m’évader dans des paysages naturels plus fous les uns que les autres (j’ai besoin de la culture et de la nature pour être « nourrie » correctement, ce qui explique sûrement les baisses de régime liée aux premier et troisième confinements).
Faire le point sur tout ça… et se lancer !
En conclusion : si on arrête de se comparer aux autres et de « chercher l’inspiration » en scrollant vainement sur un réseau, que l’on se sort la tête du four pour se reconnecter à la nature, aller voir des expos et films, que l’on change de contexte pour puiser de nouvelles idées et que l’on donne un petit coup de pied à sa pratique créative en osant lâcher prise sur les attentes que l’on a : on a toutes les clés pour oser franchement démarrer un nouveau projet !
2 Commentaires
Maïlys LD
18 septembre 2021 at 12 h 25 minDes petits conseils qui tombent à pic. J’ai eu une grosse période de mou sur le blog, la fatigue de la grossesse, du travail, l’absence de voyages, puis l’arrivée de notre bébé. Finalement, c’est auprès de lui (encore) que je retrouve doucement l’inspiration sur quoi partager sur mon blog. J’ai un million d’articles en attente d’être écrits, finalisés, photographiés, publiés mais tout arrive, doucement.
parenthesecitron
20 septembre 2021 at 13 h 46 minHeureuse que ça puisse te servir ! Moi aussi je cumule les brouillons sur ce blog, mais à présent c’est plutôt par manque de temps (ou d’énergie, quand j’arrive à avoir du temps) pour les finaliser, plus par manque d’inspiration (d’où le « petit » trou de 3 mois dans les articles). Mais je suis bientôt en vacances et ensuite une saison plus calme s’annonce alors je devrais sans doute pouvoir m’y remettre petit à petit 🙂