Aujourd’hui je vous propose un court article issu d’une réflexion que j’ai eue et que j’ai choisi de creuser un peu. Avec ce titre évidemment, j’en vois plusieurs se demander ce que je raconte, moi qui soutiens l’idée d’un mode de consommation plus raisonné : comment ça la mode éthique, on n’y arrivera pas ?
En fait si, je soutiens un concept de mode éthique, mais j’ai un peu de mal avec le concept caché dans le nom.
La mode éthique, un nom paradoxal ?
La mode éthique, ou « mode responsable » (conscious fashion en anglais), est une appellation qui me paraît en fait un peu étrange. Elle se conçoit effectivement : elle est « responsable » car elle plus respectueuse. Je résume ma gêne en quelques mots : la mode, par définition, c’est une tendance, quelque chose d’éphémère, un courant. Une perception de l’habillement qui n’est pas faite pour durer. L’éthique, du point de vue environnemental, fait au contraire appel à quelque chose qui doit durer (pour économiser des ressources toujours plus gaspillées). Du coup, une tendance éphémère pensée pour durer, cela me semble tout bonnement impossible, à la fois par le nom et par le concept-même. C’est encore plus surprenant avec une autre terminologie anglaise souvent employée : sustainable fashion (mode durable, donc, ou s’inscrivant dans une démarche de développement durable).
Comment la mode peut-elle être durable puisque selon sa propre nature, elle n’est pas conçue pour durer ?
L’appellation « habillement éthique » ou « habillement responsable » (sustainable clothing or conscious dressing) lui conviendrait mieux à mon sens (même si c’est plus pénible à dire, on est d’accord !), car dans l’éthique, il y a une importante dimension environnementale (dont je parlais ici en définissant ce qu’est la mode éthique) qui ne me semble guère pouvoir s’allier avec la conception de mode.
Alors comment rendre la mode responsable vraiment durable ?
Penser sur la durée
En amorçant ma démarche de dressing minimaliste il y a plus de 6 mois, j’ai fait la liste des éléments que je souhaitais privilégier (les matières, les critères éthiques vus plus haut etc), et je me souviens avoir aussi précisé que je recherchais la possession (minimalisée) de vêtements plus neutres, pas forcément empreints d’une époque. Par là, j’entendais des intemporels.
Mais les intemporels, qu’est-ce que c’est au juste ? Une marinière, une robe noire, un trench beige, un pull irlandais, une veste en jean, un perfecto… ? Une notion définie également par la mode ? En réalité, cela paraît évident en l’énonçant (ce serait des pièces qui échappent au renouvellement de tendances induit par la mode à chaque saison), pourtant, ça l’est pourtant beaucoup moins dans la pratique : où trouver des intemporels qui en soient vraiment (sans manches bouffantes ni volants partout, sans trous dans les jeans, sans broderies flashy, sans que la coupe ne soit loose, sans une prolifération de fermetures…) ? Je crois que la pièce intemporelle correspond en fait à un idéal très personnel et subjectif. Chaque personne se crée son panthéon de pièces intemporelles, en fonction de ses goûts, de son degré de lassitude.
Croyez-le ou non, cela fait presque 6 mois que je cherche certaines pièces que je considère donc personnellement comme étant intemporelles, telle qu’une jupe patineuse grise toute simple, ou encore un gilet nude long droit (et « à boutons », quand la majorité des gilets aujourd’hui ne possède aucun système de fermeture). Bilan, c’est loin d’être une sinécure quand en plus de les rechercher, on restreint le champ de possibilités pour posséder une pièce la plus éthique qui soit et s’intégrant à une palette de couleurs (pour que le peu de fringues possédées se mixent parfaitement entre elles)… Que ce soit au Emmaüs de ma ville, dans les boutiques dites de mode éthique (Ekyog, People Tree et j’en passe – une liste plus complète vous attend dans l’article que j’évoquais plus haut si ça vous intéresse), ou dans d’autres boutiques proposant des vêtements éthiques fabriqués en Europe, tout correspond toujours à une tendance : les pièces proposées sortent rarement des couleurs et des styles définis par les créateurs pour une saison / année donnée. Quel que soit le lieu de ma recherche, j’ai constaté que même les « basiques » n’en sont plus vraiment : il y a toujours un détail qui rend bien mais dont je risque de me lasser avec les années. C’est pourtant pile ce que je souhaite éviter à tout prix, puisqu’une fois ce dressing idéal constitué, je compte bien me détourner du shopping mode. N’étant pas une grande afficionada à la base, ça devrait être assez facile, et j’ai même plutôt hâte de prouver qu’on peut se contenter de peu et ressentir zéro lassitude (le tout est de savoir mixer, réinventer).
Je continue cette quête de « mes » intemporels avec patience, parce que je pense que c’est ce qui me conviendra le mieux à long terme. Mon objectif est de twister des vêtements simples avec de jolis accessoires : là encore, les friperies, vide-dressings et trocs peuvent constituer une manne intéressante au fil des ans ! Il est plus simple de changer de temps en temps quelques accessoires en les remettant sur le marché de l’occasion, que de se séparer de la moitié de son dressing car on le trouve « démodé ». Et je pense que se préoccuper de ce que l’on aime porter plutôt que de « ce qu’il faut porter » (selon les codes dictés par la société, les créateurs et les fashion weeks…) est beaucoup plus bénéfique, car comme le disait Coco Chanel :
« La mode se démode, le style, jamais. »
Je préfère donc m’orienter au fil des ans vers un dressing éthique qui me ressemble, qui traverse les saisons, tout en se démarquant pourquoi pas par quelques pièces fortes mais polyvalentes (une veste camel un peu 70’s par exemple) et des détails originaux (accessoires). Tout sauf succomber à l’appel des tendances. J’aime le gris, le rose poudré, les marinières, le beige / camel, le rouge coquelicot (en petites touches), le cuivre, le bleu marine… : si demain on n’en voit plus en magasin, ça me sera bien égal, tant que je me sens toujours bien dedans et en phase avec moi-même.
En résumé, ce que je recherche, c’est un habillement éthique qui ne fasse pas une croix sur la notion de durabilité. Et vous, qu’en pensez-vous ?
[images : pixabay]
10 Commentaires
Ornella
23 mars 2018 at 10 h 58 minJ’essaie d’aller moi aussi vers une consommation de la mode beaucoup plus responsable. Petit à petit, je me renseigne, j’en connais un peu plus maintenant alors que je ne savais rien de ce qui se faisait auparavant en mode responsable. 🙂
parenthesecitron
23 mars 2018 at 13 h 42 minPareil, c’est normal ça prend du temps de se renseigner et de réaliser certaines aberrations ! 😉
Marion
24 mars 2018 at 9 h 55 minEncore un billet très intéressant sur la mode éthique ou responsable ! C’est vrai qu’au sens propre du terme, c’est étonnant d’employer le mot « éthique » en matière de mode. Mais je pense comme toi que ce n’est pas impossible, si tant est qu’on change son regard sur la chose. Cela fait des années que je possède les mêmes vêtements (certains viennent même de mes premières années de collège !). Je pense que le fait de ne pas avoir trop de sous joue aussi pas mal dans cette situation haha ! Cela dit, le changement est un état qui fait du bien aussi, j’ai remarqué qu’en achetant certaines pièces sur Vinted, même si elles avaient beau ne pas être totalement neuves, j’avais quand même le sentiment de porter quelque chose de nouveau, de « neuf ». Après tout, quand on se fixe des objectifs et qu’on parvient à les réaliser, on se contente rarement de nos acquis, le moteur de l’homme c’est d’atteindre de nouveaux buts. Il y a donc ancré en nous cette volonté de surpassement, de changement. Alors j’imagine que le fait d’acquérir de nouveaux vêtements, par exemple, c’est une forme de plaisir qui y ressemble. Enfin je crois que ça part trop loin là haha !
Hâte de te lire à nouveau sur ce sujet, et peut-être même de voir ta garde-robe finale ! 🙂 Gros bisous Fanny !
parenthesecitron
24 mars 2018 at 15 h 43 minMerci Marion ! Je n’ai malheureusement que 2 vêtements qui doivent avoir près de 7 ou 8 ans, pas plus et pas plus vieux (il faut dire que je ne rentrerais pas forcément dans mes vêtements de l’époque, du moins pour les bas). Soit ceux qui sont partis ne me correspondaient plus du tout avec les années donc j’ai fini par les donner / vendre, soit leur qualité a fait que je ne les ai pas traînés bien longtemps. Je m’attache beaucoup aux vêtements quand je les aime, alors l’idée de me constituer un dressing idéal mûrement réfléchi c’est aussi, au-delà de l’impact écologique et social réduit, prolonger le plus possible ce plaisir de les (re)garder. En ce qui me concerne, je n’ai pas forcément plus de plaisir à acheter un nouveau vêtement qu’à en porter un dans lequel je me sens bien depuis plusieurs années (un vêtement-doudou j’appelle ça), ça a même plutôt été souvent un calvaire lorsque des circonstances particulières ont fait que j’avais besoin d’un vêtement particulier (voyage, mariage etc.) et que rien ne trouvait grâce à mes yeux ! Ce matin je suis allée au Emaús de ma ville (le Emmaüs espagnol, ils ont un peu adapté l’orthographe) et c’est vrai que cette sensation de neuf avec un vêtement qui a déjà vécu, ça marche aussi sur moi : j’en ai essayé plusieurs mais pas de coup de coeur (et je n’achète plus sans). Je vais à Madrid la semaine prochaine, je jeterai un oeil aux nombreuses friperies, qui sait, peut-être y aura-t-il quelques unes de ces pièces intemporelles que je cherche (une jupe droite courte grise et/ou camel, un short noir en cuir, une veste beige / camel, un jean bleu clair taille haute, un gilet clair long et fermable…) 😉
dame.nina
24 mars 2018 at 20 h 12 minBonsoir !
Très intéressant ton article, ça fait réfléchir.
Je ne suis pas une grande dépensière, j’arrive à faire durer de nombreuses pièces sur plusieurs années mais j’avoue que je ne fais pas attention à la provenance de mes vêtements, et quand on sait la façon dont c’est fait dans certaines régions du globe, ça fait peur. Mais j’y travaille, un pas à la fois !
Belle soirée !
parenthesecitron
24 mars 2018 at 20 h 32 minMerci beaucoup pour ce retour ! En effet, toute démarche prend du temps, Rome ne s’est pas faite en un jour 😉
marionromain
25 mars 2018 at 17 h 16 minUn article très intéressant, une fois de plus. Comme tu l’écris, je crois que nous pouvons tous avoir notre propre définition des intemporels. Il y a quelques vêtements « idéaux » que je traque encore à ce jour, mais de manière générale, mes intemporels, ou mes « basiques » à moi, sont assez marqués question motifs. Sur mon échelle d’appréciation, les rayures, les pois et les tissus tartan, par exemple, sont résolument des basiques. Ils résistent aux modes, dans mon dressing, bien que le fait qu’ils soient momentanément à la mode facilitent ma quête de la pièce parfaite quand il y a lieu de la chercher.
parenthesecitron
12 décembre 2019 at 5 h 41 minC’est ce que je me disais il y a peu : il y a des choses que je trouve facilement (en seconde main à présent, l’offre à Boston facilite ça) mais c’est parce qu’elles étaient ou sont encore à la mode, mais ça ne me frustrera pas plus que ça quand ça ne sera plus « tendance ». D’ailleurs, comme je ne regarde plus ce qui sort et que je ne vais plus en boutique normale, je ne sais même plus ce qui est « à la mode » ! 😀 Je chine ce que j’aime et qui me correspond (couleur, matière, morpho, prix), du coup je reste plus que jamais convaincue qu’on a chacun(e) une définition propre de nos intemporels (et de ce qui fait notre style, au fond). Et que ça sera bien plus porteur que d’acheter « à la mode », éthique ou non, si ça ne résiste pas à l’épreuve du temps 😉
UneautreAnneavecunE
13 janvier 2020 at 8 h 20 minBonjour,
En fait j’ai toujours privilégié les matières naturelles, coton, lin, laine et cachemire dans ma garde-robe.
De même j’apprécie beaucoup les marques qui proposent des vêtements recyclés telles que Patagonia, Armor Lux et Vaude notamment. Les marques d’inspiration plus citadine s’y mettent mais trop doucement et c’est loin d’être gagné.
parenthesecitron
13 janvier 2020 at 17 h 31 minPareil ! Et j’adore Patagonia aussi, c’est un sacré budget mais pour ma doudoune je n’ai pas regretté. J’achèterai sûrement une polaire chez eux avant qu’on rentre en Europe (si je ne la trouve pas d’occasion). C’est dommage en effet que de telles démarches ne fassent pas plus effet boule de neige, mais j’ai bon espoir que même lentement, on y arrive !