J’ai mis du temps à écrire cet article, à croire que revenir sur 5 ans d’expatriation et se rendre compte que tout a une fin est plus difficile que je ne l’imaginais…
Tout d’abord, je vais préciser le contexte dans lequel je suis partie d’abord 3 ans et demi en Espagne, puis 2 ans aux États-Unis. Je fais en fait partie de ces « conjoints suiveurs » de partenaire post-doctorant (aka, dans une carrière de chercheur, les années réalisées après la thèse et avant une titularisation). La première expatriation a eu lieu à San Sebastián et la deuxième à Boston, deux villes très différentes que j’ai largement évoquées sur ce blog.
10 bonnes raisons de s’expatrier
Vous hésitez à partir ? Voici 10 arguments qui devraient achever de vous convaincre qu’il s’agit d’une très bonne idée !
Découvrir un nouveau cadre de vie : paysage, climat, architecture…
La France a beau être diversifiée, passer ses frontières, c’est se confronter à tout autre chose. Selon le pays choisi, on peut être confronté à des températures parfois extrêmes (et se rendre compte qu’habillé en adéquation le corps s’adapte toujours), découvrir des paysages magnifiques et bien différents de ceux de notre patrie, admirer les différences architecturales… Tout cela est un vrai plaisir et un réel dépaysement au quotidien (et surtout, toutes ces différences ont continué de m’émerveiller ou surprendre jusqu’au bout !).
S’adapter à une autre culture
Apprendre d’une nouvelle culture, en adopter pourquoi pas certains gestes et habitudes, développer une certaine curiosité et enrichir ses connaissances tout en révolutionnant son quotidien… : que l’on aime tout ou partie d’une culture que l’on découvre sur place, je pense qu’il n’est pas rare d’en retrouver certains codes (culinaires, moraux etc.) à travers notre quotidien, même une fois rentré(e). Faire de son mode de vie le résultat d’un pluralisme culturel, voire ethnique, en ne retenant que (ce qui nous paraît être) le meilleur de chaque pays, c’est pour ma part une idée (et philosophie de vie) qui me plaît.
Le contraste étant déjà parfois grand entre deux pays occidentaux, tel que je l’ai vécu avec l’Espagne et les États-Unis, je n’ose imaginer entre des pays que tout sépare. C’est une perspective assez excitante, non ?
Booster sa carrière
Pour ceux/celles qui partent dans le cadre d’un contrat précis, ça sera inévitablement un tremplin professionnel intéressant (les expériences à l’étranger sont en général plutôt bien valorisées une fois de retour en France).
Pour les personnes qui comme moi, suivent un(e) conjoint(e), ça peut être aussi l’occasion d’essayer autre chose, d’enfin oser se lancer dans un nouveau domaine (ce que j’ai fait en devenant photographe) !
Apprendre ou mieux maîtriser une langue étrangère
A moins que vous ne soyez expatrié(e) dans un pays francophone (et encore, il y a à apprendre question expressions voire grammaire, parfois), ou que vous ne restiez qu’un mois sans trop communiquer, les progrès en langue étrangère sont globalement assez rapides. Un beau jour, on réalise que l’on comprend beaucoup mieux qu’avant les conversations (même à une vitesse folle), les séries, les chansons etc.. C’est le signe qu’un déclic s’est fait et que l’oreille s’est habituée à la « musique » de la langue étrangère. On réalise souvent dans le même temps (du moins, c’était mon cas) que le palais et la langue réussissent des sonorités qu’on ne savait pas faire au début (pour le double « r » espagnol, toujours pas de miracle en ce qui me concerne, par contre il y a beaucoup de sons anglais que je fais instinctivement à présent !).
Sans forcément travailler cette langue en question, simplement au fil des mois/années, on chope des expressions et des tics de langage propres aux locaux et à la vie de tous les jours, loin des livres d’école (la toute première dans chaque ville ayant probablement été »Have a good one! » pour « Bonne journée ! » ou à « Hola, buenas! » pour « Bonjour ! » en contraction de »Hola, buenas tardes! »). Je me suis rendu compte aussi sur place que le point d’exclamation inversé n’est plus qu’assez rarement utilisé en espagnol…
En ce qui me concerne, je crois que le ré-apprentissage de ces langues s’est fait chaque fois un peu tout seul. Concernant l’espagnol, je l’avais revu un peu en master (que j’avais fini un an et demi plus tôt) donc ce n’était pas si loin : j’avais bien retravaillé rapidement la grammaire et la conjugaison les deux premières semaines puis fait des carnets de vocabulaire, mais j’ai assez vite abandonné pour juste ouvrir grand mes oreilles (enfin pas trop, car les Espagnols, comme les Américains d’ailleurs, parlent très fort !).
J’ai en fait surtout gagné mon niveau d’espagnol actuel en sortant avec mes amis (en buvant des cafés ou en sortant dîner de pintxos). Il faut dire que vu le coût de la vie en Espagne (même si San Sebastián peut être assez chère et que les prix y ont beaucoup augmenté en parallèle du tourisme), on ne se privait pas de sortir avec nos amis. J’ai donc rapidement progressé, même seule parfois à la table d’un café pour travailler, en écoutant les gens parler autour de moi. J’ai moins eu d’occasions de pratiquer l’anglais à Boston. D’une part, nos amis étaient essentiellement francophones ; d’autre part, notre budget « loisirs » étant d’un coup plombé par les charges élevées (loyer, assurance santé et le reste…), je suis bien moins sortie en soirée (un peu parfois dans les cafés, ce qui m’a permis de travailler au moins mon oreille).
C’est peut-être LE point positif à retenir d’une expatriation : gagner en maîtrise de langues étrangères est une aisance bien agréable, qui rend les rencontres et les voyages plus riches (mon espagnol m’ayant été utile récemment en Colombie par exemple, et pour garder contact avec les amis, évidemment).
Enrichir ses connaissances en histoire & géographie
Non, ne me demandez pas de placer l’ensemble des États américains sur une carte ni davantage les provinces espagnoles et leur « capitale » : j’en serais bien incapable, parce que je suis de base assez nulle en géographie (les fonds de carte au lycée étaient ma bête noire).
Par contre, j’ai amélioré ma connaissance de l’ensemble du continent américain (notamment l’Amérique du Sud, dont je place mieux les pays depuis ma visite en Colombie), je connais un peu mieux la géographie québécoise (pour l’avoir pas mal étudiée avant Montréal et avec le projet -tombé à l’eau à cause du covid-19- de me rendre à Québec), et surtout, je connais à présent très bien la Nouvelle-Angleterre et à peu près toute la côte Est des États-Unis. Je sais aussi davantage où placer certains États proches ou plus ou moins éloignés. J’avais pourtant appris par cœur leur localisation pour un examen de licence (en civilisation américaine) mais j’ai tout oublié dans la semaine qui a suivi… De même, je connais à présent beaucoup mieux le pays basque espagnol et français et je sais placer de nombreuses villes en Espagne, ce qui était loin d’être le cas avant (le pays m’intéressant bien moins que l’Italie avant d’y vivre : depuis, j’en suis tout aussi amoureuse). Ce sont certes des connaissances qui me venaient déjà avec le voyage, mais je trouve que le fait de vivre dans un lieu permet d’en étudier plus minutieusement les caractéristiques géographiques et donc de s’en souvenir bien mieux.
En ce qui concerne l’histoire, j’ai appris pas mal de choses sur la révolution américaine (dont le berceau est justement Boston) et qui a donné lieu à la Déclaration d’Indépendance des États-Unis (proclamée de nouveau chaque 4 juillet depuis le lieu historique). J’ai découvert l’histoire du pays basque (et la montée du terrorisme, aussi…) et de San Sebastián, dont l’essor est né de l’effervescence de son port (à travers la chasse à la baleine). C’est une ville qui fut détruite quasi-intégralement par un énième incendie lors de son occupation par les troupes de Napoléon : après sa reconstruction et son développement, la ville fut notamment appréciée par la Reine régente Maria-Cristina durant la Belle Époque (elle y venait en villégiature au Palais de Miramar). Ce sont des choses (parmi bien d’autres) que j’ignorais totalement avant et qui sont passionnantes !
Faire de belles rencontres
C’est le point évident que je n’ai pas forcément besoin de beaucoup expliciter : emménager dans une nouvelle ville permet de s’y faire de nouveaux amis (et davantage dans certains cas, puisque j’ai plusieurs couples de proches qui se sont formés grâce à l’expatriation de l’un des membres). Rencontrer de belles personnes, c’est en tout cas une constante pour nous depuis plus de 10 ans. On a des amis un peu aux 4 coins de France et du monde (puisque certains ont comme nous pas mal déménagé) : c’est à la fois grisant et frustrant (puisqu’on ne les voit pas souvent).
San Sebastián et Boston n’ont pas fait exception à la règle, on y a rencontré des gens formidables ! Même si on n’a pas toujours des contacts régulièrement avec tout le monde tout au long de l’année, quand on se contacte/appelle/revoit, on a l’impression de s’être quitté la veille, et c’est je crois l’essentiel. Loin de son pays, on vit souvent quelque chose d’encore plus fort et on partage justement beaucoup sur cette expérience-là : je n’ai donc aucun doute que l’on gardera certaines de ces amitiés tout au long de notre vie !
Prendre du recul par rapport à son pays natif
Regarder son pays d’un autre œil fait un bien fou et est, je crois, nécessaire, de même que prendre parfois un peu de distance en ce qui concerne les infos. Observer que les acquis français sont un luxe dans d’autres pays ou tout bonnement inexistants amène à considérer beaucoup de choses différemment. Enfin, constater ce qui se fait de bien ailleurs donne des envies et parfois quelques idées…
Je ne souhaite pas parler de politique sur ce blog, je dirais donc juste qu’il y a des choses que l’on est amené à accepter ou refuser davantage en ayant eu sous le museau pendant quelques mois ou années d’autres quotidiens que celui qui fut le nôtre jusqu’à notre expatriation. Je pense que ce regard-là ne vient pas forcément après 15 jours de vacances à l’étranger (ou ne sera pas aussi durable), et c’est un grand plus de l’expatriation !
Avoir le plaisir de se sentir un peu comme un touriste à l’année
Tous ces changements, tous ces dépaysements, même si on prend vite les habitudes des locaux, nous font nous sentir « ailleurs ». C’est un peu le même sentiment qu’en vacances lorsqu’on voyage en s’imprégnant bien d’une destination, avec la différence que l’on ressent ça toute l’année (avec quand même des responsabilités en plus).
Il y a toujours quelque chose à découvrir à proximité (du moins les premières années), le temps d’une journée (quartier, ville voisine…) ou d’un week-end (reste de la région ou région plus éloignée) : un lieu, une activité, un festival… Plutôt agréable !
Augmenter son seuil de tolérance et son ouverture d’esprit
Vivre à l’étranger, c’est aussi se conformer aux us et coutumes du pays d’accueil, du moins en public, et même si elles ne sont pas toujours en adéquation avec nos valeurs/principes. Ce n’est pas valable pour tout et heureusement (on reste nous-mêmes aussi, sinon il n’y aurait plus aucune mixité dans un pays et donc moins de richesse culturelle), mais sur certains points moraux ou légaux, ou certaines façons de faire (en respectant les tabous usuels des conversations de dîner, par exemple). On (ré)apprend à accepter davantage l’autre dans sa différence, et aussi à renoncer à certaines choses (ou à en réaliser d’autres).
On laisse aussi certaines peurs et préjugés au placard, et ça fait du bien à tout le monde. Aux États-Unis comme en Espagne, ce qui m’aura bluffée par exemple (et qui malheureusement cesse très vite une fois rentrée en France, la faute à des mentalités et comportements bien différents…), c’est la confiance que l’on peut avoir en autrui. C’est quelque chose qui m’était assez difficile au début, et pourtant, quel confort. On peut par exemple laisser un ordinateur ou un téléphone sur une table de café et s’éloigner de quelques mètres le temps de (re)commander quelque chose… il ne se passera absolument rien ! J’étais assez choquée de constater ce que je prenais pour de l’insouciance voire de la négligence au début, et puis j’ai compris que c’est juste une autre manière de vivre (tellement plus zen, non ?). Dans le même ordre d’idée, à Boston les colis restent parfois toute la journée voire plusieurs jours sur les perrons des maisons (ou dans les escaliers des copropriétés), et les vols sont chose rare. En Espagne, il m’est arrivé (en constatant que ça se faisait beaucoup) de laisser mon ordinateur sur une table de café (sous la surveillance du voisin ou de la voisine de table), le temps d’aller aux toilettes (!). Absolument inenvisageable de l’autre côté de la frontière, seulement 20 km plus loin… C’est indéniablement quelque chose qui me manquera en France, ou la méfiance envers les gens que l’on ne connaît pas est de mise (se cramponner à ses affaires se justifie souvent et c’est bien dommage !).
L’exemple de la sécurité en ville est aussi assez flagrant : il y a un vrai respect de la loi et de la liberté des autres personnes (hormis quelques quartiers un peu sensibles, comme partout). Il n’y a pas ou peu d’agression, de vol à la tire, de harcèlement de rue ou ce genre de choses. Boston est une ville très tranquille (si vous évitez Dorchester et Roxbury), j’avais même du mal à expliquer ça à ma famille qui me trouvait trop insouciante ( mais je comprends qu’il faille le voir pour le croire, puisque moi-même j’ai mis du temps sur place à en prendre conscience !). C’était la même chose à San Sebastián, on pouvait rentrer tard (1h du matin) par la plage sans croiser de gens menaçants, je m’y suis promenée en jupe ou robe (mon uniforme) sans absolument jamais (en 3 ans et demi !) m’être fait harceler (alors qu’à l’occasion d’une virée à Toulouse quelques mois après mon emménagement en Espagne, c’est arrivé en à peine un quart d’heure de temps…).
L’expatriation en quelques points négatifs
Être loin de la famille et des amis
C’est LE point négatif de la vie à l’étranger (lorsqu’on ne vit pas près de la France du moins) : manquer (pour beaucoup d’entre nous) la célébration de Noël, des anniversaires, des naissances, des mariages, des regroupements familiaux… Les proches continuent leur vie, bien évidemment, et ça peut être compliqué parfois d’accepter la distance. C’est aussi la même chose en cas de coup dur (maladie, décès etc.) : apporter un soutien peut être plus complexe et très frustrant, sans oublier l’inquiétude qu’il arrive quelque chose.
Le sentiment de déracinement
C’est un ressenti normal mais qui peut être parfois difficile à gérer. Dans les périodes plus sombres et difficiles de notre expérience à l’étranger (par exemple un hiver de 6 mois comme à Boston, ou une déconvenue professionnelle, ça peut arriver), le sentiment de déracinement resurgit sans crier gare. Tapi silencieusement dans un coin de notre cœur depuis notre arrivée dans le pays, il se met alors soudainement en quête d’un moment de faiblesse pour venir nous ronger insidieusement, nous incitant à prendre en grippe tout ce que nous considérions jusque-là comme de charmantes différences (de même que les petits défauts auxquels nous ne nous habituons pas toujours -chaque pays y a droit- deviennent d’un coup franchement insupportables). Le mal du pays se fait alors cruellement ressentir.
Pendant notre expérience en Espagne, il me semble ne pas l’avoir réellement vécu (ou peut-être la deuxième année, au cours d’un hiver particulièrement pluvieux et triste). Ceci dit, dans une ville à 20 km de la frontière franco-espagnole (même si nous ne la franchissions paradoxalement que rarement), le ressenti est forcément différent. Contrairement à Boston, point d’océan et de billets d’avion hors de prix pour instaurer une barrière physique et mentale entre les deux pays, les racines communes historiques sont plus nombreuses, il existe davantage de petits commerçants avec lesquels établir un lien, nous avons côtoyé des Basques : tout ça a contribué à ce que nous nous sentions davantage intégrés. Il faut dire aussi que la culture espagnole nous convient bien mieux, mais c’est pour le coup un ressenti personnel.
Le coût de la vie
Selon le pays choisi, il peut être un frein sur place -quand tout coûte un bras !- ou bien à notre retour dans notre pays natal, lorsque le niveau de vie d’expatrié nous rend alors pauvre dans notre propre patrie (comme c’est le cas de ma belle-sœur qui vit en Colombie – pensée pour toi, si tu me lis !).
L’incertitude quant à l’avenir
Lorsqu’on est expatrié sous visa d’accueil, particulièrement lorsque ce dernier doit être renouvelé tous les ans, on ne peut connaître l’avenir avec certitude. Un refus de l’ambassade au moment du renouvellement, et hop, on doit plier bagage (pire, puisque l’on est sorti du pays pour effectuer la demande, on ne re-rentre même pas régler notre vie et récupérer nos affaires : c’est le problème d’ailleurs des expatriés coincés en France à l’aube du confinement, la plupart des pays n’ayant gardé leurs frontières ouvertes que pour leurs ressortissants… une pensée aussi pour vous si vous me lisez !). Vivre loin, c’est donc mettre ses nerfs à rude épreuve en cas de période de crise.
Le covid-19 nous a montré juste avant de partir de Boston toute l’étendue de la fragilité de nos vies à l’étranger… On avait le droit de quitter le territoire des USA pour la France (en ce qui concerne les Français), mais les frontières étaient fermées dans l’autre sens. Il a fallu continuer de prévoir notre déménagement, mais à une date encore plus incertaine (la faute à un logement compliqué à relouer en plein confinement et aux vols d’avions annulés les uns après les autres), avec la peur de devoir tout boucler en 2 jours s’il arrivait quelque chose de grave (maladie voire décès d’un de nos proches en France ou nouvelle mesure concernant les frontières…). Au-delà de nous qui devions de toute façon rentrer en France en avril/mai et qui étions psychologiquement prêts (même si nous avions pensé vivre ce retour beaucoup plus sereinement), il faut savoir que de nombreux Français ont dû faire preuve de davantage de force : abandonner en 2 ou 3 jours leur vie aux USA, leur entreprise souhaitant les rapatrier en urgence… Ce sont des situations extrêmes, mais il faut prévoir que la vie puisse se compliquer soudainement et rapidement, et être capable d’y faire face. On n’est jamais vraiment « chez nous » quand on est dépendant d’un visa…
Par ailleurs, de nombreux expatriés partent sans avoir forcément une idée concrète de la durée de leur expatriation : 6 mois, 1 an, 5 ans, 10 ans ? Souvent, si la décision du retour n’est pas liée clairement à un contrat, le choix se fait au fur et à mesure de l’expérience, quand un ras-le-bol commence à poindre ou au contraire, quand la décision de devenir résident permanent s’impose d’elle-même.
Les démarches administratives sont plus complexes
Dans le cadre d’une installation en France, il faut s’armer de patience et s’accrocher pour la recherche de logement, pour s’abonner à l’électricité/téléphonie mobile/internet, pour ouvrir un compte en banque, pour déclarer et payer ses impôts, voire même pour gérer une entreprise… Imaginez faire tout ça, mais à l’étranger, donc dans une langue qui n’est pas la vôtre (sauf si vous partez en Suisse/Belgique, au Québec ou dans certains pays d’Afrique).
Au-delà de la procédure de chacune de ces démarches, qui peut être très différente d’un pays à l’autre, il faudra être en mesure de comprendre les contrats à signer (et les petites lignes déjà pas toujours très claires en français). Partir avec quelques compétences dans la langue requise et/ou en anglais (pour se faire comprendre et comprendre ce qu’il se passe) me semble un minimum, car l’administratif ne se gère pas à la légère. Je ne me verrais pour ma part pas m’expatrier dans un pays dont je ne parle pas du tout la langue et/ou où l’anglais n’est pas parlé couramment par la population comme seconde langue.
Si vous appréhendez d’en être capable, renforcez juste votre niveau de langue avant votre départ en prenant quelques cours, et renseignez-vous sur les démarches que vous aurez à effectuer à votre arrivée via les groupes Facebook d’expatriés (il en existe pour chaque pays) : ça aide beaucoup !
Se sentir en décalage
Un autre inconvénient de l’expatriation, c’est qu’on se sent parfois en décalage total avec ce qui se passe dans sa patrie, voire en prime avec le pays d’accueil.
Je me suis sentie parfois illégitime à donner mon avis sur ce qu’il se passait aux USA ou en Espagne, ou l’absence du droit de vote me laissait déjà en marge, en me disant que c’était compliqué de me mettre à la place des Américains/Espagnols ou de maîtriser tous les tenants et aboutissants d’une situation (comme je ne suis -de base- pas passionnée par la politique, essayer de comprendre ce qu’il se passe en-dehors de France peut être parfois assez pénible).
Paradoxalement, j’avais quelques fois le sentiment d’être un peu éloignée de la réalité française, comme déconnectée, avec l’impression de regarder mon pays depuis une autre planète. La faute peut-être aux 6h de décalage qui m’ont parfois fait prendre connaissance de nouvelles importantes avec du retard sur la France…
Ma propre expérience d’expatriée
Chaque vécu est différent, mais…
Il me semble que pour chacune de nos deux expériences à l’étranger, nous avons avancé à travers des phases assez définies, même si l’issue a été bien différente (nous avons quitté l’Espagne pour les États-Unis, non pas à contre-cœur, mais sans cette nouvelle opportunité aux USA nous y serions sans doute restés de longues années avec plaisir ; pour Boston, c’est une fin de contrat avec poursuite possible à Montpellier qui nous a ramenés en France, tout simplement). Pour avoir beaucoup discuté avec des expatriés comme nous, j’ai pris conscience que nous n’étions pas les seuls à ressentir tout ça.
En effet, lorsqu’on arrive dans un nouveau pays, tout est nouveau, on ouvre de grands yeux et le plaisir de la découverte nous englobe pendant quelques mois où tout est rose ou presque (la réalité de la vie quotidienne peut aussi casser rapidement l’ambiance, mais tout dépend du pays). Au bout d’un moment, une fois nos petites habitudes prises (et parfois le mal de notre pays qui se fait sentir de temps à autres), on pose un regard plus lucide et neutre sur les lieux que l’on a investi et on commence à y voir quelques défauts : c’est alors que la phase réelle d’adaptation commence (au bout de plusieurs semaines ou mois en général). On apprend à ne plus se sentir tout à fait comme un touriste mais à « faire partie du décor » pleinement, donc à se sentir davantage concerné par ce qu’il se passe dans notre pays d’accueil, en bon ou mal. On se surprend à devoir « faire avec » davantage de choses, parfois dans la facilité, parfois dans la douleur.
Si le négatif prend le dessus et qu’un retour se dessine, l’entre-deux (c’est-à-dire le temps qui s’écoule entre la prise de décision de rentrer et le retour effectif) peut être compliquée à gérer. Lorsque l’expérience est en demi-teinte parfaite (notre cas à Boston) et qu’alors, la décision de rentrer est autant subie (pour une fin de contrat) que vécue comme un soulagement, la perspective du retour peut être très chargée émotionnellement. On se retrouve autant submergé par les aspects auxquels on ne réussit pas forcément à s’adapter que tout ce qui nous manquera désormais une fois de retour dans notre « vie d’avant » (même si elle ne sera plus jamais pareille, puisqu’on aura changé). On passe ces derniers jours dans une sorte de hâte et à la fois de pré-nostalgie (la même que celle qui nous guette lorsqu’on part à regret d’un endroit où on se plaisait).
Le retour quant à lui peut être très compliqué ou très bien vécu, il n’y a pas de règle. Pour le coup, je ne crois pas qu’étant rentrés en pleine période de confinement notre exemple soit très parlant. À part la fatigue extrême qui m’est tombée dessus (un contre-coup des semaines précédentes chargées de stress et d’appréhension causés par une situation un peu bancale depuis plusieurs mois et accentués évidemment par le covid-19), nous n’avons eu aucun coup de blues ou regret quand à notre retour (quand bien même nous avons eu le sentiment de partir comme des voleurs, sans avoir pu dire au-revoir à nos amis ni revoir tous les lieux que l’on aimait, ni avoir conscience de faire certaines choses « pour la dernière fois »). Cependant, il paraît que le vague à l’âme peut avoir lieu des mois après le retour (surtout lorsque rebondir en reprenant les rênes de notre « vie d’avant » est chose compliquée)… Encore une fois, étant donné le contexte de flou absolu dans lequel nous nous trouvons actuellement (quant à notre emménagement pour Montpellier et à nos perspectives de travail à chacun pour 2021), si nous expérimentons ce genre de ressenti un jour prochain, il sera difficile de l’imputer davantage à un retour mal vécu qu’à la crise sanitaire que l’on traverse.
Pour conclure ce long article, je dirais qu’être expatrié est un vrai défi. Sortir de sa zone de confort, repousser ses limites, ses croyances, ses possibilités, je suis consciente que tout le monde n’en rêve pas et que ça demande un brin de courage pour certains (ou de folie pour d’autres). Pourtant, je le recommanderais à 100 % car l’expérience, quelle qu’elle soit, sera riche d’enseignements (sur un pays, sur soi, sur la vie, sur nos capacités, et sur notre rapport à beaucoup de choses en définitive !).
Oui, c’est vrai, c’est dur de tout lâcher, dans le sens du départ comme dans celui du retour -même quand ce dernier est souhaité-, car on abandonne toujours quelque chose et quelqu’un (souvent plusieurs « quelqu’un » et « quelqu’une » loin d’être quelconques) auquel on tenait. Oui, émotionnellement, il faut se blinder, et oui, on peut avoir peur et expérimenter des passages à vide avant/pendant/après. Mais ça reste, je crois, un des meilleurs apprentissages de la vie que l’on puisse faire : l’impression de vivre 3 années en une, tant on découvre/apprend/mûrit.
La vie n’est pas forcément plus simple ou plus dorée ailleurs, elle est juste différente. Les critères d’acceptation de ces différences sont très subjectifs (on ne va pas tous apprécier/regretter les mêmes choses dans chaque pays et donc on ne va pas tous revenir avec le même vécu et ressenti du même pays). Chaque expatriation est différente, il m’est impossible au final de donner un autre conseil que « vas-y, tente l’aventure si tu le peux ! ». Une expatriation peut être l’occasion d’un nouveau départ professionnel (ça a été mon cas, comme je vous le disais plus haut), ou de se donner le temps de réfléchir à ce que l’on veut faire de sa vie. Cela peut être un tremplin formidable ou au contraire une expérience compliquée, mais jamais ce ne sera du temps gâché : on apprend forcément quelque chose (sur ce que l’on veut ou ne veut pas, ce que l’on aime ou non, ce que l’on peut accepter ou non et globalement sur ce que l’on souhaite comme cadre de vie…).
Dans tous les cas, c’est une aventure inoubliable ! Ces mois ou années passé(e)s à l’étranger se détacheront forcément des autres lorsqu’on regardera vers le passé quelques décennies plus tard.
Je vous avais suggéré il y a quelques temps sur Instagram de me poser vos questions au sujet de l’expatriation en général, ou de mon expérience (plutôt MES expériences) en particulier, j’y répondrai dans un deuxième article (qui arrive dès dimanche !), car celui-ci est déjà bien long (félicitations si vous avez lu jusque-là).
8 Commentaires
Romain
29 mai 2020 at 8 h 08 minMerci pour cet article très complet sur l’exportation aux États-Unis et en Espagne. Je pense que ces deux expériences ont été très différentes et c’est génial d’avoir pu s’adapter aux deux l’une après l’autre.
parenthesecitron
29 mai 2020 at 10 h 03 minEn effet les deux n’ont rien à voir mais auront été très enrichissantes, chacune à leur manière ! 😉
coachagrandiose
30 mai 2020 at 14 h 49 minMerci beaucoup pour cet article très enrichissant sur les expat’.
parenthesecitron
30 mai 2020 at 19 h 09 minAvec plaisir, merci !
Morgane
2 juin 2020 at 9 h 22 minTrès chouette article ! Étant moi-même expatriée, je me reconnais dans ton texte 🙂 Surtout pour ce que tu mentionnes à la fin en disant que la vie n’est pas meilleure ailleurs. Non, elle est différente, avec ses défauts aussi… Si les gens partent uniquement en pensant que l’herbe est plus verte ailleurs, c’est que selon moi, ils ne partent pas pour les bonnes raisons. Merci pour ce partage 🙂
parenthesecitron
2 juin 2020 at 9 h 36 minMerci beaucoup ! Oui je pense qu’il faut être assez lucide dès le départ, et ne pas s’attendre forcément à une vie plus rose. Même, je dirais que les complications peuvent être nombreuses (il faut s’y préparer), elles sont heureusement compensées par tous les bienfaits d’une telle expérience 🙂
Mademoiselle Farfalle
2 juin 2020 at 14 h 23 minMerci pour ce billet très intéressant. Après avoir fait un Erasmus en Espagne tous les deux, on aurait adoré s’expatrier. Mais mon homme est malade et ça implique des traitements qui seraient incompatibles avec une expatriation…
parenthesecitron
2 juin 2020 at 14 h 35 minAvec plaisir ! Oui malheureusement il y a peu de pays qui peuvent offrir un suivi médical comparable à celui que l’on a en France, surtout en cas de maladie spécifique (ou alors cela demande un budget conséquent). J’en suis désolée pour vous et j’espère que c’est quelque chose qui peut s’arranger avec les années pour que vous en ayez la possibilité par la suite.